Rêve d'enfant {Manu

La tête appuyée contre la vitre d'une des grandes fenêtres du deuxième étage, Emmanuel regardait dehors. Il aimait ce genre de temps, lourd et menaçant et s'il n'avait pas été autant pris d'une crise de flemmingite aigüe, il serait certainement sortit pour profiter du vent et des éléments menaçants. Contrairement à ce qu'on aurait pu s'attendre avec un caractère comme le sien, Emmanuel n'était pas trop de nature solaire : d'une part la nuit lui courait trop dans les veines et d'autre part bien qu'il aime le soleil, il préférait les éléments en furie et les ciels menaçants et venteux comme celui d'au dehors.
Mais bon ... Dans la vie on ne fait pas toujours ce qu'on veut et pour le moment, il avait trop de travail pour pouvoir se permettre de sortir et comme il était fatigué, il n'avait pas envie de passer la nuit sur ses devoirs. Bon évidemment si on lui proposait une petite fête estudiantine il reverrait surement sa fatigue au rabais, il avait envie de s'amuser ces derniers temps. Un peu comme d'habitude en fait ... Oui c'était bien ça, il n'avait presque jamais envie de refuser une petite fiesta à l'occasion. Et il avait d'autant moins envie de travailler que depuis que le dôme n'était plus il recevait tous ses courriers en retard ... Et notamment ceux de ses chers et tendres géniteurs, il avait d'ailleurs un colis à la main. Colis ouvert et plein de lettres de son père ... Youhou. Pour le moment il n'avait lu que le petit post-it qui les accompagnaient et qui lui disait en substance qu'il recevait là toutes les lettres qui n'étaient pas arrivées à destination et celles qu'il avait écrite tout le temps qu'avait duré le dôme " pour ne pas qu'il oublie que son père comptait sur lui et sa rédemption" ... Pas envie de les lire. Si c'était pour s'entendre dire qu'il n'était qu'un déviant ( oui il y avait aussi une beuglante au fond du colis ) et un fils indigne ...
Agacé, il s'alluma une cigarette. C'était tout de même pas dieu possible de tenir à ce point là à lui pourrir la vie. Et il se demandait si la prochaine fois qu'il rentrerait il ne se déguiserait pas en folle histoire de vraiment mettre son paternel en rogne et lui signifier par là même qu'il ferait bien ce qu'il voudrait quand il le voudrait. Na. Puéril, lui ? Certainement et s'il était sûr qu'à jouer au plus con avec son père il avait certainement perdu, il ne comptait pas non plus abandonner et laisser à Sean la joie de le voir ployer devant lui. Hors de question. Et puis d'ailleurs Emmanuel ne s'inclinait devant personne.
Marchant de long en large dans le couloir, il finit par monter les escaliers menant au troisième étage à cloche-pieds ( parce que sinon bah ... C'est pas drôle ... ) Et il continua sa route toujours à cloche-pieds, se demandant s'il pouvait chanter une chanson grivoise en fumant en même temps et sans s'étouffer. Fort de ces réflexions hautement philosophiques et toujours à cloche-pieds, il passait à côté de la salle des trophées quand son attention fut interpellée par une voix, une voix douce et harmonieuse. mais brisée aussi, par les larmes. C'était beau, et tragique, ça aurait pu être du fado.
Il fit marche arrière à cloche-pieds pour voir à qui appartenait cette voix. Il n'était pourtant pas très amateur des voix lisses et douces, leur préférant les timbres éraillés et brisés, profonds et bouleversants ou encore les voix très maîtrisées d'opéra.
C'était une fille de sa maison, Emilya ou un nom dans ce genre là. Elle avait l'air gentil mais il ne lui avait jamais parlé et elle n'avait retenu son attention plus que ça. Pas le genre de fille dont on penserait qu'elle a des soucis ... Mais à la réflexion c'était stupide comme jugement : on ne penserait pas non plus qu'Emmanuel avait des problèmes relationnels avec ses parents et bouillait intérieurement de rage à chaque fois qu'il avait de leurs nouvelles. Toujours avec son colis ouvert sous le bras, il s'approcha un peu pour profiter de la chanson, tentant de rester un peu discret.
Pour la discrétion c'était visiblement à revoir car elle se tourna vers lui, l'air visiblement gêné et lui demanda depuis combien de temps il était là.

- Bonjour Fit-il doucement tout en tirant un nouvelle bouffée de sa cigarette en s'approchan tde la jeune fille. Il tira de sa main libre, un mouchoir de batiste qui dépassait de sa poche de jean et le tendit à la jeune fille. Il est propre t'inquiètes.

Il passa la main dans ses cheveux. Que dire ? Il ne la connaissait pas particulièrement et il ne savait pas trop par quel bout la prendre même s'il n'aimait pas voir les gens pleurer. Il se contenta d'un sourire mutin et d'une lueur un peu joueuse allumée dans ses yeux.

- La notion du temps c'est quelque chose de très personnel .... Mais si tu veux savoir par là si je suis ici depuis assez longtemps pour t'avoir entendue chanter je ne peux que te répondre par l'affirmative. Il tira de nouveau une bouffée de nicotine sur sa cigarette. Après si tu veux, je peux aussi être sourd, aveugle et amnésique.

C'était dit d'un ton amical, il ne tenait pas à gêner cette fille, ce n'était pas son genre d'enfoncer les gens qui étaient déjà à terre et il préférait avoir de bons rapports avec les gens qui ne l'avaient pas encore contrarié. Il ne fit pas non plus le moindre geste pour s'en aller. Cette chanson l'avait interpellée et il n'était pas vraiment sûr destinataire que visaient les paroles.

- Allons, allons pas de modestie entre nous, c'était bien. Le texte était touchant et la mélodie ne posait pas de défauts majeurs.

C'était le musicien qui parlait et il constatait juste. Pas d'émotion, une simple observation. Dite avec le sourire mais neutre. Que pouvait-il dire d'autre ? La prestation de la jeune fille l'avait touché mais chanté par quelqu'un d'autre il pensait que ça ne l'aurait pas tant interpellé, de son point de vue le charme principal de la chanson résidait dans l'interprétation qu'il en avait vue. Les premiers jets ne touchaient presque jamais la perfection ,ce n'était pas un jugement de valeurs. De toutes façons c'était dit maintenant donc ...
Et que disait-elle donc ? Ses devoirs ? Elle pensait donc qu'il n'était pas sérieux ? Son côté cabotin prit à nouveau le dessus sur la normalité qu'il avait affichée jusque là excepté tout le passage à cloche-pieds mais ça la jeune fille n'en savait rien. Et donc il lui offrit un regard digne du chat peauté :plein de grosses larmes de crocodile avec la bouche tremblanteet sa main libre serrée contre son coeur. Il garda cette posture tout le temps qu'elle mit à se présenter. C'était pas Emilya finalement enfin c'était joli aussi. Très doux à l'oreille, musical. Mais il était partit dans son délire alors il allait y aller franco.

- Ca me blesse beaucoup ce que tu me dis là ... Et dans un geste très héroïque et plein d'emphase il lui planta sous le nez de la jeune fille son colis plein de lettres Et d'ailleurs c'est pas vrai ! Je travaille ma zen-attitude que je vais sacrifier séance tenante sur l'autel de la critique parentale et avec ma zen attitude ma dignité et mes nerfs.

Puis il reprit une constance à peu près normale la seconde qui suivit la fin de sa tirade pathétique et un sourire amicale se peint à nouveau sur ses lèvres et il tendit sa main libre à la jeune fille.

- Enchanté Nemelya, moi c'est Emmanuel. Pour le diminutif c'est comme tu les sens : Emm', Manu, Emmy si tu te sens d'humeur taquine enfin après c'est comme tu veux moi je m'en tape.

La jeune fille regardait dehors et lui parla du temps. Le visage du jeune homme se fendit d'un très large sourire à l'intention de Nemelya.

- Dis moi Pimprenelle. En effet, il avait cette habitude un peu agaçante d'appeler les filles qu'ils trouvait mignonnes " Pimprenelle" ... Enfin même celles qu'il ne trouvait pas mignonnes, oui la plupart des filles en fait; Enfin sur ce coup là c'était plus tôt un "pimprenelle" amical. Tu penses franchement que je suis en mesure de juger de la folie ou de la normalité des gens qui m'entourent ?

Il s'approcha de la fenêtre et se regard se perdit dans les contours sombres et incertains des nuages amoncelés dans le ciel et le vent qui faisait grincer les battants de la fenêtre devint soudain le seul son valable dans cet espace. Emmanuel se perdit quelques secondes dans cet univers où ses perceptions semblaient se limiter à ces nuages menaçants. Il lui semblait presque sentir cette odeur de terre chaude et humide qui se dégageait en prévision des grandes tempêtes. Il était déconnecté de ce qui l'entourait. D'une certaine façon, ce temps lui ressemblait : menaçant près à exploser et tout emporter dans sa colère. Le regard toujours un peu perdu il se tourna vers la jeune fille, un sourire absent peint sur son visage, comme s'il sortait d'un rêve.

- Je crois que je comprend ce que tu veux dire. Moi aussi j'aime ce genre de temps ... Les tempête sont toujours impressionnantes et grisantes mais finalement c'est vraiment ce genre d'atmosphère qui met en conditions pour. Cette pression et cette puissance contenue, en soi c'est presque plus impressionnant que les éléments déchaînés.


Il semblait reprendre peu à peu pied avec la réalité et sourit à nouveau chaleureusement à la serdaigle : " Après ce n'est qu'une opinion.". Ayant fini sa cigarette il en sortit une autre et l'alluma comme pour marquer clairement son retour à la réalité. ca lui arrivait de temps à autres d'être pris dans ce type de transes rêveuses où il lui semblait qu'il était pris tout entier dans une dimension différente, plus précise et profonde, un mode de perception différent et plus pointu. Il tira une bouffée de nicotine et souffla lentement la fumée qui s'étiola en arabesques éthérées tout en montant dans l'atmosphère.

Le rire allait décidément mieux que les larmes à Pimprenelle. Plus flatteur pour son teint et ce genre de sourire étaient de ceux qu'on pouvait qualifier d'adorables, et bien qu'il soit de "l'autre bord", Emmanuel s'accordait à penser que cette fille était vraiment mignonne. En plus elle disait des choses qui semblaient familières au jeune homme car elles étaient en adéquation avec sa façon à lui de voir et surtout de ressentir les choses.
Nemelya semblait intéressée par son colis et lui posa une question en rapport avec l'émetteur de ce colis ... Emmanuel sourit de nouveau à la jeune fille qui semblait un peu gênée par sa curiosité. sa main libre papillonna au dessus du colis et saisit le petit post-it jaune vif que son père avait collé sur le dessus, il le relut et offrit enfin une réponse décente à la serdaigle.

- En effet, enfin plus précisément c'est monsieur mon père qui m'envoie d'un bloc toutes les lettres qu'il voulait m'envoyer tout le temps qu'il y a eu le dôme au-dessus de Poudlard pour que, je cite, " je ne pense pas qu'il avait abandonné l'idée de faire de moi un fils digne du nom qu'il lui lui avait légué". Charmante attention n'est-ce pas ?

Encore une fois il jouait la carte de l'humour et de la dérision alors que plus il relisait ce mot plus il sentait la colère enfler dans sa poitrine et menacer d'éclater tant ça l'énervait. Il avait de plus en plus de mal à ne pas renvoyer une beuglante aux lettres venimeuses que lui envoyait son géniteur. Morgane et Lizzie étant les seules raisons qui l'empêchaient de couper les ponts avec ses parents car il savait que s'il le faisait il perdrait aussi ces deux soeurs et il ne voulait pas consentir à ce sacrifice bien que sa préférence aille toujours à Isabelle et qu'il sache qu'elle le soutiendrait toujours. D'ailleurs de toutes ses soeurs elle était la seule à l'approuver et à ne donner aucun crédit à ce que disait leur père. Son Isa, sa princesse, celle qui comptait le plus et celle pour laquelle il ferait tout les sacrifices.

- Ah ! Et t'excuses pas d'avoir posé cette question c'est pas un secret d'état et si j'avais absolument voulu le cacher j'aurais fait attention à ne pas te coller mon colis sous le nez. Le sujet n'est pas assez douloureux pour que je tienne absolument à le cacher.

Il était dur de savoir où s'arrêtait a vérité dans cette dernière phrase car il était clair pour lui que c'était un sujet douloureux car on ne renie pas sa famille comme de le dire. Mais malgré tout s'il n'était pas du genre à se plaindre et à chercher à s'attirer la pitié et la compassion d'autrui, il lui arrivait aussi de parler de ses rapports, sous couvert de la dérision certes mais d'en parler quand même. Il était très libéré du point de vue de ses sentiments et de ses pensées et avait coutume de ne pas être trop pudique de ce point de vue là même s'il ne faisait pas dans l'épanchement spontané et régulier. Peut être était-ce cette facette de son caractère qui faisait de lui une de ces personnes qui savaient écouter et appelaient à la confidence. Il était détendu s'il n'était pas totalement serein et cette aisance à parler et à dévoiler ce qu'il voulait et uniquement ce qu'il voulait de sa vie privée sans déborder ni tomber dans le pathos. D'une certaine façon pour savoir écouter les autres il faut aussi savoir s'écouter soi même et se connaître assez pour pouvoir être assez lucide sur les autres.
D'un autre façon il ne posait pas beaucoup de question non plus : les gens venaient vers lui d'eux mêmes et lui disaient bien ce qu'il voulait, il était rare qu'il insiste lourdement. Son rôle n'était pas un rôle de confident : juste d'oreille.