Selon Andrew, dans l’absolu, le lieu le plus approprié pour se détendre est une bibliothèque : rien de tel que de profiter du calme installé dans un confortable siège et entouré d’un vaste choix de lecture. Le souci, c’est qu’à Poudlard, la bibliothèque contient trop d’élèves pour permettre la tranquillité, ne dispose pas de fauteuils moelleux, et a trop connu la censure pour proposer un choix de livres décent. Alors même si le Serdaigle estimait que le lieu restait l’un des moins pires du château, il préférait parfois partir en quête d’un calme véritable pour se ressourcer avant d’avoir à se replonger dans le chaos des intrigues adolescentes qui semblent constituer l’essentiel de l’existence de ses pairs.
En ce mercredi du début du mois d’avril, il avait décidé de sortir, profitant de l’un des premiers beaux jours de l’année – ou du moins ce qui se qualifie comme un beau jour en Ecosse : un ciel couvert ne déversant pas de pluie et un vent plus doux que froid. Depuis longtemps, il avait repéré les terrains les moins susceptibles d’être fréquentés par les élèves : il allait longer le lac pour se rendre du côté opposé à celui de la gare, vers les remparts. Par là-bas, il n’y avait absolument rien d’intéressant, et c’était suffisamment loin pour dissuader la plupart des élèves de se donner la peine de s’y rendre.
N’ayant aucun cours avant l’après-midi à 15h, il avait fait un petit détour par les cuisines pour prendre de quoi manger – la seule difficulté avait été de persuader les elfes de maison que non, vraiment, il ne pouvait pas envisager d’emporter un panier à pique-nique de 15 kilos. Après tout, il lui fallait d’abord passer par le haut des falaises pour accéder à ce coin isolé, et il valait donc mieux ne pas trop être chargé.
A propos des falaises, il aurait peut-être dû attendre un peu avant cette sortie. Même si la pluie ne tombait plus, le sol était encore humide et glissant. Et son sens de l’équilibre lamentable rendait cette simple escalade bien plus périlleuse qu’elle ne devrait. Sans même compter sa maladresse affligeante. D’ailleurs, comme il aurait dû s’y attendre, au final, c’est précisément quand, arrivé en haut, il relâcha son attention, qu’il glissa sur une touffe d’herbe mouillé mal placée. Il parvint à aisément amortir sa chute de ses mains, mais cela n’empêcha pas la boue de maculer son uniforme. Il jura à mi-voix, tout en se redressant.
« Nom d’une bouse de botruc constipé ! »
Grimaçant en constatant l’état de ses robes, il dégaina rapidement sa baguette de son étui et lança quelques sorts de nettoyage soigneusement ciblés pour en ôter la saleté. Une fois satisfait, il s’apprêta à se remettre en route… quand il remarqua que contrairement à ce qu’il aurait pensé, il n’était pas seul. Il y avait là un autre élève, et celui-ci n’avait sans doute rien raté de cet épisode pitoyable. Voilà qui était embarrassant. Cependant, n’étant plus à une humiliation près, Andrew n’eut guère de mal à ce que sa seule expression reste celle de l’indifférence polie, et se disposa simplement à reprendre son chemin si l’autre ne jugeait pas non plus utile de dire quoi que ce soit.
Son habitude de tout observer avec attention lui indiqua que le garçon semblait en proie à de vives émotions et qu’il se tenait un peu trop près du bord de la falaise, mais le Serdaigle n’était pas du genre à s’immiscer dans les affaires des autres. Et ce n’était de toute manière pas comme s’il y avait un réel danger, vu que les falaises étaient entourées de sorts-filets destinés à protéger les élèves des conséquences de toute chute malencontreuse. Sa conscience resterait donc en paix quoi qu’il arrive après.