A la recherche de chèvrefeuille pour la recette de la Délivrance... [Fe Lolotte]

Du chèvrefeuille. Il avait besoin de chèvrefeuille. Il avait gaspillé les dernières par une indélicate erreur ; il avait envoyé trop fort les feuilles dans sa potion qui était bientôt prête. C'était tout ce qu'il manquait. Il était énervé contre lui-même. A l'heure qu'il était sa potion serait prête. Encore qu'il fallait qu'il la laisse reposer pendant quarante huit heures pour qu'elle soit optimal. Le pire était qu'il était toujours minutieux, très consciencieux avec ce qu'il faisait, particulièrement dans le noble art des potions ; mais... Il avait suffit qu'il y pense. Il avait suffit qu'il pense à ce qu'il n'arrivait pas à se sortir de la tête pour le mettre dans un état de nervosité et de colère extrême ; tout cela car il n'arrivait pas à oublier. Il avait essayé de la protéger, de la sauver, elle n'en avait fait qu'à sa tête, alors qu'elle aille au diable, elle n'avait pas voulu le croire qu'il ne voulait que son bien. Si elle n'était pas capable de réaliser qui étaient ses véritables amis, si elle pouvait renier aussi facilement toutes ces dernières années.... Le pire était qu'il n'arrivait pas à lui en vouloir ou ne serait-ce l'idée même de lui faire du mal inconsciemment l'effrayer. Il espérait que cette potion le sauverait. Dans le cas contraire... Dans le cas contraire il vivrait éternellement avec cela. Son regard noir sembla davantage s'assombrir et il repoussa son chaudron sous son lit à baldaquin, laissant retomber sur lui le pan de couvre-lit qui recouvrait ce dernier. Il se leva ensuite et descendit en silence des dortoirs, en silence, les pans de sa robe trop courte battant ses chevilles.

Une fois dans le couloir devant sa salle commune, il se dirigea ostensiblement en direction des portes du château, afin d'aller faire un tour du côté des serres de botaniques. Il n'était pas rare qu'il y fasse un tour ; pour se promener en solitaire... Il n'y avait rien qu'il aimait autant, ou pour récolter quelques ingrédients pour des potions qu'il concoctait dans les dortoirs, en-dehors du cours. Peu d'élèves, à son avis, faisaient ce qu'ils faisaient, avait autant de passion pour cela... Il n'avait pas cessé de faire des potions depuis son tout premier cours ; même jusqu'aux plus avancées. Il empruntait des bouquins à la bibliothèques ; annotait même parfois son propre de potions qu'ils avaient acheté au début de l'année. Il leur rajoutait de petits trucs, modifiaient quelques détails afin qu'elles soient véritablement optimales... Qu'elles soient encore meilleures. C'était quelque chose qu'il semblait avoir en plus ; il semblait savoir ce qu'il fallait instinctivement. Vous vous rendez compte qu'en annotant son bouquin de potions, il contredisait les dires de ceux qui se disaient comme de grands potionistes ?

Ce fut plongé dans ses pensées qu'il parvint bientôt aux serres alors que les premières lueurs du jour apparaissaient. Il n'avait encore pas dormi de la nuit, mais travaillé par contre toute la nuit sur sa potion ou encore à lire ses livres sur ma magie noire... Il était intéressé par tout ce qui y était relié. Il ne pouvait le nier, cela l'attirait comme un aimant. Cela ne faisait pas de lui quelqu'un de maléfique pourtant... L'on pouvait ressentir de l'attrait pour quelque chose sans passer pour un monstre... De toute évidence, ce n'était pas l'avis de tous, ou plutôt de toutes, étant donné le visage qui d'un seul coup venait de s'illustrer dans son esprit. Comme un mauvais souvenir, comme un fantôme le hantant encore, il le chasse brusquement, n'ayant aucune envie d'y songer. Et bien si elle le croyait, qu'elle le croit. Peu importe, elle n'avait jamais été une vraie amie voilà tout. Il avait peut-être des tords, mais tous. Pas de sa faute si elle n'acceptait pas qu'il soit « différent »... Des deux, c'était bien lui le plus tolérant... De par l'origine de sa famille, de son sang, il aurait pu dès le début la renier, mais il n'en avait rien été. Elle était différente... Ils avaient été amis jusque l'an dernier. Mais dès le moment où elle l'avait sentit penché un peu plus vers ses camarades Serpentard, elle avait décidé qu'ils n'étaient plus amis. C'était elle qui l'avait décidé, oui. Elle avait elle-même choisi son camp. Et c'était celui des... « maraudeurs » ; une grimace à cette pensée ne put s'empêcher de déformer son visage alors qu'il arrivait au niveau de l'allée numéro 9. C'était sa destination. Il s'engouffra dans celle-ci et la longea jusqu'à arriver aux plants de chèvrefeuille près desquels il s'agenouilla.

Oui, il avait peut-être des tords certes, mais il lui avait déjà dit qu'il regrettait ce qu'il avait laissé échappé ; bien sur que non il n'avait pensé pas un mot de ce qu'il avait dit ! Elle ne comprenait pas pourquoi elle serait différente... A qui cela ne le dérangeait pas de le dire. Il ne pouvait évidemment pas le lui dire ; à peine acceptait-il lui-même ses sentiments, et puis il avait toujours eu peur du rejet des autres au fond. Cela le confortait dans le fait de ne jamais vouloir laisser entrevoir la moindre parcelle de ce qu'il pouvait bien ressentir. Quitte à passer pour ce qu'il n'était pas. Le monde était un danger en lui-même. Mieux valait ne jamais tout dire de soi si on voulait conserver le respect de ses pairs et l'estime... Cela évitait de plus qu'ils se servent de vos faiblesses pour vous détruire de l'intérieur. Non, elle ne l'avait pas comprit, pensa t-il avec force en fourrant une poignée de chèvrefeuilles dans son petit sac en cuir qu'il portait à la taille. Elle n'avait jamais comprit. Cette poignée de chèvrefeuille signifiait peut-être la délivrance. Délivrance, ce mot résonna dans son esprit avant qu'il ne se rende compte du bruit de pas qu'il lui parvenait de plus loin sur l'allée... Il n'était plus seul de toute évidence... Il retournant d'un seul mouvement, les pans de sa robe fouettant ses chevilles de nouveau, il reconnut de loin l'insigne de Serpentard. Une élève, au moins ce n'était pas un professeur, ni un de ces stupides Gryffondors... Ils seraient d'ailleurs bien téméraires pour sortir dans le parc à cette heure-ci, avant le lever du couvre-feu, songea t-il d'un air moqueur.