Voix Chaude contre Coeur Froid [Free]

[hj : Je peux ?]


Que de monde, mes aïeux que de monde ... Soledad frissonna. On avait beau être en mars, le soleil était encore timide, surtout comparé à celui qui lui avait caressé la peau pendant toutes ses vacances en Andalousie. En effet, elle avait passé ses vacances du coté de Cordoue chez son arrière grand mère maternelle et sa fille. Comme d'habitude, elle avait de nouveau été charmée par ce pays qui lui coulait dans les veines, sa langue chantante et son soleil dur, sa terre aride et son folklore qui à elle lui semblait si naturel qu'on pourrait penser qu'elle n'avait jamais vécu que dans ce pays de mélanges et d'eau vive. C'était toujours un déchirement pour elle de quitter sa terre, car c'était ainsi qu'elle l'appelait et c'était aussi là bas qu'elle comptait finir ses jours ... C'était assez étrange à quatorze ans de penser déjà à ses vieux jours mais comme elle vivait pleinement sa vie, comptant bien la traverser au galop, elle voulait déjà se ménager un asile, un point d'ancrage où elle pourrait se dire "c'est chez moi". Etrange instinct de la part de quelqu'un qui comptait passer sa vie à explorer le globe et à fréquenter les créatures les plus dangereuses et fantastiques existantes. Elle n'en était pas à un paradoxe près après tout ....
Soledad marchait donc d'un pas vif, s'éloignant de la foule, pour aller dans les serres. Elle ramenait d'Andalousie une plante bien particulière, carnivore, et dont le suc servait à une potion quelconque dont elle avait oublié le nom. Des étagères étant mises à la disposition des élèves, Soledad avait de nombreuses plantes dans cette serre et elle tenait à aller leur dire bonjour et voir comment elles se portaient. Et aussi pour se débarrasser de cette plante particulièrement agressive : ses doigts étaient joliment décorés des traces de morsures défensives de cette horreur. Mais le côté teigneux de cette plante lui plaisait bien, elle savait que ce n'était pas un trait de caractère à proprement parler mais son amour pour les monstruosités et les trucs plein de de dents lui faisait apprécier cette plante malingre malgré le fait qu'elle lui ait démoli les doigts.
Entrant dans la serre, quelque chose interpella la jeune fille. Une voix et quelques accords de guitare. Allons bon qui pouvait bien chanter ici ? Quoique ... Ce n'était pas forcément une mauvaise idée, à ce qu'il paraissait, les plantes aimaient qu'on leur parle et la musique ... Peut être que cette chanson était chantée dans ce but. Soledad avançait toujours, ses talons claquant contre le sol pavé de la serre, tout en tenant le pot où se tenait sa plante contre sa hanche. Elle ne connaissait pas cette chanson mais elle n'était pas désagréable à écouter et sans doute moins agressive pour les plantes que ses éternels hymnes espagnols ... Quoiqu'en fait elle s'en fichait un peu que les plantes apprécient ou non el paso del ebro ... Elle, elle aimait ces chansons révolutionnaires alors elle continuerait à les chanter quoiqu'en pensent ces plantes. C'était quand même pas une jardinière qui allait lui faire changer ses habitudes ... Santa Maria, elle devait vraiment être fatiguée pour laisser ses pensées s'égarer à ce point ... Depuis quand les plantes pensaient elles ? Il était vraiment temps qu'elle dorme.
Le fait de se rendre compte qu'elle délirait tout de même sévèrement ne l'empêcha néanmoins pas de ramener sa plante à hauteur de son visage et de lui dire.

- Alors, t'es contente espèce d'erreur de la nature qu'y ait des gens qui s'préoccupent de ton bien être ?

Agressive, mais en même temps cette monstruosité au nom imprononçable lui avait bien bouffé les doigts. Elle ne faisait absolument pas attention au fait qu'elle se rapprochait de la source de la chanson occupée qu'elle était par son soliloque à l'intention de la fleur. Elle ne remarqua le jeune homme en train de jouer qu'après avoir posé sa plante sur une étagère où quelques unes de ses autres plantes étaient restées pendant les vacances. Son regard transparent se posa sur le guitariste. Un gryffondor, plus âgé qu'elle à n'en pas douter. Elle haussa les épaules, elle ne le connaissait pas aussi se dispensa-t-elle de le saluer de vive voix. Elle savait aussi qu'elle n'appréciait pas franchement que de tierces personnes la coupe quand elle dansait aussi ne dit-elle rien et se contenta-t-elle d'un bref hochement de tête à l'intention du musicien sans savoir s'il l'avait vu ou non, avant de retourner à ses plantes. Elle arrachait quelques feuilles fânnées, regardait l'évolution de la plante en comptant les bourgeons et tâtait la terre du bout des doigts pour vérifier approximativement son taux d'humidité. Encore un paradoxe à son actif : quelqu'un qui courrait sans cesse en tous sens et ne trouvait jamais la patience de rester en place prenait plaisir à contempler la lente évolution des végétaux ...

Armée d'une petite serpette en argent, Soledad taillait avec douceurs une plante épineuse et biscornue dont les fleurs ne tarderaient pas à éclore. La jeune femme aimait particulièrement ces fleurs d'un beau rouge sombre qui exhalaient une odeur épicée et entêtante, aussi c'est avec un plaisir non dissimulé qu'elle la bichonnait en coupant les quelques gourmands qui s'étaient installés pendant les vacances. Elle était absorbée par sa plante quand Justin lui adressa la parole et ne lui accorda qu'un regard distrait avant de revenir à sa plante.

- Mmh ? Non, je parlais à l'erreur de la nature ici présente.

D'un geste vague elle lui désigna le petit rejet rabougrit qu'elle avait ramené quelques minutes plus tôt. Il y eut encore quelques secondes où l'on entendit plus que le son régulier et discret de la lame d'argent taillant les pousses délicates de la plante. Un des rares instants de repos et de quasi immobilité qu'elle supporte quotidiennement sans broncher elle qui était perpétuellement en mouvement. Les gens qui ne la connaissait que peu ne pouvaient soupçonner cette facette de sa personnalité tant elle semblait contradictoire à son hyperactivité chronique. D'un geste délicat, elle souleva une ou deux feuilles en quête d'un quelconque puceron , mais ses recherches s'avérant vaines, elle passa à une autre plante. Toujours sans regarder le gryffondor, elle réentama la discussion d'une voix plus ou moins absente, comme si elle pensait à voix haute. C'était assez déroutant de sa part, elle qui s'exprimait toujours d'une voix décidée en regardant les gens droit dans les yeux, la seule chose qui ne changeait pas dans son attitude actuelle était son port très droit et cambré.

- C'est pour les plantes que tu joues ? A ce qui paraît c'est bon pour elles ....

Elle n'attendait pas particulièrement de réponse, elle disait ça comme ça sans trop y faire attention, après tout elle était focalisée sur ses plantes. Ca lui avait manqué de ne pas en prendre soin pendant ces quinze jours mais finalement il n'y avait pas trop de choses à reprendre. Certainement grâce à la prévenance de Madame Chourave qui pensait toujours à prévenir d'éventuels problèmes quand elle passait à coté des plantes de ses élèves. C'était un professeur concerné qui aimait son métier. C'était toujours plaisant d'avoir ce genre d'enseignant. Sa voix s'éleva de nouveau, doucement, pour se fendre de cette expression concise qui attendait encore moins de réponse que celle d'avant. Un simple constat, un compliment qu'elle disait parce qu'elle le pensait mais duquel elle n'attendait pas le moindre retour.

- C'était sympa à écouter en tout cas.

A des lieux du style de musique qu'elle écoute habituellement, mais plaisant. En matière de musique bien que sa préférence aille clairement au style latino-espagnol, elle avait des goûts plutôt éclectiques même si en général elle aimait bien les morceaux rythmés et les voix cassées. Elle poussa un soupir ennuyé tout en regardant de travers un gourmand qui avait élu domicile sur la tige fragile d'une orchidée et qui ne fit pas long feu face à la serpette aiguisée de la jeune fille.

Le regard de Justin se voila légèrement face à la réponse de la jeune fille. Une erreur de la nature ici présente ? Il posa les yeux sur la plante, fronça les sourcils. Une erreur de la nature ? Une drôle d'expression pas très sympathique. Erreur de la nature ? Est ce que lui même pouvait se qualifier de ça ? Au fond, il n'était que le fils d'une Junkies et d'un moldus, sûrement car dealer au moment des faits, et il n'avait pas une vie des plus glorieuse jusqu'a ses 5ans, et ce moment ou pour son plus grand bonheur, sa mère s'était retrouvé en prison.

Une mère en prison, un père inconnu, un oncle gay qui l'avait élevé avec son copain. Oui on pouvait le considérait comme une erreur de la nature, ou une erreur de parcours dans la vie de sa mère, et étrangement, un cadeau du ciel pour ses oncles. Oui ! Ca faisait bizarre d'avoir une seule vie, et deux vision de celle ci.

"Il n'y a pas d'erreur de la nature. Tous les êtres ont une place sur cette terre."

Oui y comprit les plantes. Il reparti dans sa symphonie, ou plutôt sa mélodie, continuant a jouer, et a fredonner les paroles. Il releva les yeux vers elle. Quoi ? Il n'arrivait pas à se concentrer et à parler en même temps, mais il avait cru comprendre le sens de sa question. C'était agréable ?

Il secoua la tête, sa casquette bougeant légèrement, et il la remit aussitôt en place. "Non ! Je m'entraîne, et j'aime pas le faire devant les gens."

Il préféré la solitude des serre au brouhaha de son dortoir ou de sa salle commune. Il releva les yeux sur elle. "Hum ... Merci !" Elle lui avait fait un compliment. Il posa les yeux sur les fleurs. Chourave permettait aux élèves de squatter les étagères. "Elles sont toutes a toi ?"

Elle faisait quoi au juste ? Elle s'occupait de ses plantes ? Il commença a jouer un air que son père lui avait appris, enfin ... son père ... son oncle ! Il se mélangeait parfois. Mais David l'avait adopté légalement, ils étaient son père. Jeremy son oncle, même si a la fête des pères, il avait aussi son cadeau.

Dans les mains habiles de la jeune fille, la serpe semblait prise d'une vie propre, un éclats vif argent suivait chacun de ses mouvements, rapides et précis tout en s'accompagnant du son léger et fragile de l'argent, cette vibration douce et tremblante, vive malgré tout.

"Il n'y a pas d'erreur de la nature. Tous les êtres ont une place sur cette terre."

- Si tu le dis ...

Surtout ne pas contrarier les gens qui ne comprenaient pas le second degré. Jamais. C'était un coup à s'enfoncer de très longues discussions particulièrement vaines et inintéressantes, et puis c'était aussi le problème de second degré : on ne savait jamais si on ne risquait pas de heurter la sensibilité de ses interlocuteurs même si en général ça passait plutôt bien. Soledad était une grande adepte du "on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui" aussi tentait-elle de s'accommoder des réactions des uns et des autres dans la mesure où son caractère emporté la laissait entreprendre ce genre de démarches. Imperceptiblement elle haussa les épaules avant de passer à une petite plante grasse dont les bourgeons semblaient sur le point d'éclater, elle caressait de bout des doigts ces bourgeons blancs et rose fuchsia et en détacha certains qui risquaient de fatiguer la plante. Les fleurs arrachées finirent au même endroits que les gourmands précédemment ôtés : dans une petite sacoche en cuire qui pendait à son côté et comportait deux compartiments : l'un pleins des "indésirables" qu'elle souhaitait étudier plus tard et l'autre, vide, où elle mettait les ingrédients qui pourraient lui servir à faire des potions.
La jeune andalouse opina du chez quand le gryffondor lui dit qu'il préférait jouer seul, elle se contenta d'un vague grognement d'approbation avant de lui dire, toujours sans se retourner, concentrée sur sa plante.

- Mmh je m'en irais quand j'en aurais fini avec mes plantes, ça ne devrait pas prendre beaucoup de temps.

Bel effort de délicatesse de la part de cette bouillante et maladroite poufsouffle qui en général ne se sentait absolument pas concernée par les autres, peut parce qu'elle se sentait sereine et d'assez bonne humeur, car après tout elle ne lui devait rien à ce guitariste, même si d'habitude elle aimait bien écouter les gens jouer. Et ce, malgré leur différence de jeu, elle qui était plus portée sur les sons de la guitare flamenca et les rythmes hispano-latins. Elle aimait la musique et son pieds battait la mesure des morceaux du jeune homme alors qu'elle faisait son petit jardinage.

"Elles sont toutes a toi ?"

Encore une fois, la voix du gryffondor sortit Soledad de sa concentration et elle cessa d'agiter sa serpette.

- Non fit-elle Uniquement ces deux étagères-ci Elle eut un geste vague puis reprit tout en désignant une autre étagère, plus basse. Mais comme je connais le propriétaire de celles-ci je m'en occupe aussi puisqu'il n'aime pas le jardinage.

Un gros crétin selon elle. Elle n'aimait pas ce garçon qui était persuadé que si elle s'occupait de ses plantes c'était parce qu'elle lui vouait une admiration et un dévouement sans bornes, alors qu'en fait elle pensait juste que c'était du gâchis de laisser d'aussi belles plantes crever sur pieds. Lui elle s'en fichait et si elle n'avait pas eu un certain plaisir s'occuper de ses plants, elle n'aurait jamais soupçonné son existence. Où elle l'aurait cogné parce que franchement, ce genre de types prétentieux et sûrs d'être des tombeurs lui donnait des envies de meurtres particulièrement sanglantes.